Cannes 2017, jour 6 : devenir hamster
70ème festival de Cannes du 17 au 28 mai 2017 |
compte-rendu du lundi 22 mai Déjà l’heure de dresser un premier bilan thématique… et d’alléger son planning pour éviter le burn out. Cannes, deuxième semaine. À ce stade du festival, il convient de dégager des grandes thématiques de cette édition. Quelles sont les constantes, les préoccupations, les tendances ? Parce que si le festival est international et présente toutes les formes d’oeuvres, de celles d’artistes émergents aux plus confirmés, il se détache toujours des coïncidences troublantes qui en disent long sur l’état du monde. Cette année, par exemple, la question de l’étranger, du migrant, se retrouve dans différents films, de Western à Out en passant par Jupiter’s moon. On retrouve également la notion de « film dans le film » dans Les fantômes d’Ismaël, Barbara et Le Redoutable (3 films français d’ailleurs). Il reste une quantité de films à voir avant de compléter ce tableau des correspondances. Un exercice toujours important et facilité par la variété de pays et de cinémas représentés. Sans surprise, Mise à mort du cerf sacré du réalisateur grec Yorgos Lanthimos, présenté en compétition officielle, est un objet singulier. Avec ses précédents long-métrages, le réalisateur nous avait proposé des univers absurdes, décalés et violents. Ici, on retrouve ses obsessions (la faiblesse des hommes, le confinement, le corps malmené et poussé dans ses derniers retranchements), et son univers visuel tout en lignes. Mais le tout manque peut-être d’un soupçon de cruauté et de panache. Mise à mort du cerf sacré, même s’il est une oeuvre curieuse qui mérite qu’on s’y penche, ne surpasse pas Canine. Suite à une séance en VR annulée au dernier moment (J’avais une réservation mais pas de pré-réservation… logique cannoise), je choisis d’aller découvrir En attendant les hirondelles, film algérien présenté en sélection Un Certain Regard. Je ne vais pas le cacher, c’est mon coup de coeur pour cette sélection jusqu’à présent. Parce que le regard porté est résolument moderne, parce que le portrait de 3 hommes l’est aussi de 3 femmes, parce que la musique, parce qu’un infinité de détails qui sont autant de perles de finesse et de profondeur. Une belle découverte. J’attendais avec impatience le nouveau film de Laurent Cantet, L’atelier, avec Marina Fois. Et il fallait au moins ça pour justifier les 40 minutes de retard de la projection (pour une raison inconnue, la communication avec les spectateurs n’est pas le fort du festival). Ce film co-scénarisé avec Robin Campillo (dont le 120 battements par minute est en compétition officielle) est une analyse juste et vivante de cette jeunesse désoeuvrée dans l’ennui, qui s’enferme dans la haine de l’autre. C’est intelligent, c’est prenant, et c’est dramatiquement vrai. Et parce que je n’allais pas m’arrêter en si bon chemin, j’ai enchaîné avec la projection de Out, mon premier film slovaque. Je vous laisse imaginer mon parcours, plusieurs fois par jour, en boucle comme un hamster dans sa roue, de la salle à la file d’attente encore et encore et encore (et tout ça sans pause pipi). Il faudra que j’écrive un jour sur le réel masochisme du festivalier. Out est donc la chronique d’un chômage salvateur, qui permettra à Agoston de trouver sa voie avec un voyage initiatique et de multiples rencontres et péripéties. C’est un peu foufou et malgré tout positif, pas déplaisant mais malheureusement déjà un peu oublié. Parmi la poignée de films soulignés sur mon planning, il y avait Nos années folles, nouveau film du maître André Téchiné. La projection était précédée d’un hommage, très émouvant, à ses 50 ans de carrière où étaient présentes Catherine Deneuve, Emmanuelle Béart, Isabelle Huppert, Juliette Binoche et Sandrine Kiberlain. Le film ne tient malheureusement pas toutes ses promesses. Malgré les performances de ses acteurs (Pierre Deladonchamps et Celine Sallette), et la passionnante histoire vraie dont est tirée l’histoire, Nos années folles ne décolle jamais vraiment et s’enfonce parfois dans un mauvais gout gênant, le cul entre l’irrévérence et le conformisme. Dommage. Et si il était temps de dormir ? De manger, de boire, de sentir le soleil sur son visage ? Au bord de la saturation, au bout du vingt-neuvième film, je décide de vider un peu mon planning du lendemain. Si la critique est bien l’art d’aimer, à trop aimer je finis par oublier de vivre.
Lucile Bellan A découvrir sur Artistik Rezo : [Image 2017 © Haut et Court] |
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